“tous les matins depuis hier ✝ reese.”

NE M'APPELLE PAS AMERICA,
APPELLE MOI MERRY OU REESE, OU ALORS NE M'APPELLE PAS. NE ME TOUCHE PAS, NE ME FRÔLE PAS, NE M'EFFLEURE PAS, JE LAISSERAI MES DOIGTS COULER SUR TON CORPS  CREVÉ, ÉVENTRÉ, CE SERA LÀ LA SEULE FOIS. JE SUIS NÉE MAIS EST-CE QUE JE VIS ? DES CORPS FROIDS SANS VIE SONT MES PLUS PROCHES AMIS. ÊTRE SEUL ÇA TE FAIT PEUR, MOI J'AI LOIN D'EN AVOIR HORREUR. J'AI LE VENTRE VIDE, VIDE, IL NE PEUT PAS ÊTRE REMPLI. J'AI LE VAGIN FÊLÉ ET LES OEUFS BRISÉS. JE NE RÊVE DE RIEN MAIS JE VOIS EN EXCÈS. NE ME CACHE RIEN, RIEN, PARCE QUE JE LE VERRAI.  

PILULE ROUGE america elle avait l’habitude d’ignorer ; elle voyait sans regarder. elle ne se souvenait pas des visages blafards et inexpressifs qui s’étalaient devant elle durant la journée.

america ne regardait pas : elle se contentait de voir, d’analyser vite fait. america avait la vue superficielle et jamais elle ne comptait véritablement sur ses prunelles.
america préférait fermer les yeux, pour laisser le néant la contempler elle.

et maintenant, tout ce qu’elle voit, ses yeux regardent.
ça se fixe un tier de seconde et ça enregistre, ça analyse, ça détaille, ça décortique. elle a vu au loin un félin bouffer sa proie, entre les deux feuilles d’un buisson. elle a vu l’aspect brillant d’un bijou coincé dans un coin, sous un meuble, dans un interstice si étroit que seule une aiguille passe. elle a vu une goutte de dissolvant sur la peau d’un de ses morts, parce que ces choses là laissent des traces.
elle voit l’imperceptible. mais l’imperceptible, ça ne devrait pas se voir. elle ne devrait pas savoir que vos yeux deviennent humides, subitement, parce que ces sarcasmes vous ont blessé, ou percevoir la poussière sur les vêtements, entre les mailles. elle ne devrait pas connaître toutes les teintes différentes que peuvent prendre des cheveux bruns.
elle ne devrait pas voir des étoiles à peine brillantes, et elle ne devrait pas pouvoir voir ce petit tremblement, là, que vous avez parfois, en l’entendant parler.

et même lorsque ses paupières se ferment ; elle voit. imperceptiblement presque, elle voit des silhouettes et des lumières, comme un léger filtre.
america ne cesse jamais de voir.

elle en envierait presque ceux qui ne le peuvent pas.

america est-ce que tu es née aussi noire que ça ? est-ce que t’es née vêtue d’un ciel d’orage ?

je sais pas y’a quelque chose en toi, je sais pas. ça provoque la foudre et dans tes yeux c’est comme s’il pleuvait de la rage. america est-ce que t’as toujours été aussi sauvage ?

dis moi america, moi je veux savoir. pourquoi tu t’en vas sans bouger, pourquoi tu restes sans rien poser. america t’es nulle part et partout à la fois.
dis moi america, est-ce que t’as toujours était comme ça ? est-ce que lorsque tu es arrivée, tu sentais la fumée ? est-ce que ça brûle en toi america ? est-ce que tu sais que la lave qui coule en toi une fois séchée peut créer des terres fertiles et apaisées ?
je t’en prie america, dis moi. pourquoi ta bouche vomit des étincelles et jamais du miel. pourquoi t’as pas envie d’ouvrir tes bras et que tu regardes jamais vers le ciel.
je te le dis america t’es trop sombre, tu veux pas t’extirper de l’obscurité ? pourquoi tu veux tout casser et que tu restes là, les bras croisés.

pourquoi tu mens pourquoi tu joues pourquoi tu feins ? pourquoi t’es comme ça america pourquoi tu fais comme si y’a rien qui t’atteint ?
america tu vois mais tu montres rien.